Politique de la critique, critique de la politique
Être universitaire et intellectuel en postcolonie
Colloque international en hommage au Professeur Ambroise Kom Yaoundé, 11-13 juin 2024
« Faut-il s’enfermer dans le silence au risque d’autocensurer la parole marginale ? Ou bien alors prêcher dans le désert au risque de s’assumer comme marginal et sans doute de conforter la « mutilation anthropologique » qui tient lieu de norme dans notre environnement ? » (Kom, 10) Ces questions soulevées par Ambroise Kom constituent non seulement un véritable programme de recherches, mais elles balisent les essais contenus dans son ouvrage Plaidoirie dans le désert (2023), publié aux Éditions des Peuples Noirs. La plaidoirie fait écho au Devoir d’indignation (2012), essai qui n’est pas sans rappeler les méditations sur La Malédiction francophone (2000). Le recours à la forme de l’essai ne devrait pas nous faire oublier qu’Ambroise Kom –formé à l’école de Thomas Melone—fondateur du Département de Littérature négro-africaine (1967) à l’Université Fédérale du Cameroun –, est avant tout un des pionniers de la critique des littératures du monde noir. Critique accompli, professeur des universités, intellectuel engagé, la densité de son travail de critique et de pédagogue se lit dans les nombreuses publications qu’il a commises pendant sa riche carrière qui l’a conduit dans tous les continents. En plus des titres relevés plus haut et de nombreux ouvrages collectifs, on citera Le Harlem de Chester Himes (1978), puis Georges Laming et le destin des Caraïbes (1986) ou Éducation et Démocratie en Afrique (1996), entre autres. La contribution la plus décisive de Kom se manifeste dans le rôle de sage-femme attitrée de la critique africaine, position stratégique qui orchestre la naissance des numéros spéciaux des revues telles que Europe, Nouvelles du Sud, Notre Librairie sur Mongo Beti et la littérature camerounaise. On compterait aussi les trois volumes du Dictionnaire des littératures négro-africaines d’expression française, la direction de la revue Présence francophone, initiatives qui, à chaque instant, lui ont permis de marquer des moments importants dans la lecture des cultures et sociétés africaines contemporaines en proie à des enjeux sans cesse renouvelés.
Ambroise Kom est l’auteur d’une oeuvre et d’une pratique centrées sur la problématique plus globale de la responsabilité de l'intellectuel dans la société. La « dissidence » et la conséquente « marginalisation » politique découlent de cette mise en action de la vocation d'intellectuel qu'il aura assumée pleinement. Le politique prend ici une acception qui dépasse la focalisation sur la quête du pouvoir pour interroger la fonction éthique de la gouvernance comme moyen de réalisation du bonheur collectif. Qu’il s’agisse de la « politique de la critique » ou de la « critique de la politique », Ambroise Kom émerge comme une conscience lucide des imaginaires postcoloniaux. Théoriquement, l’acte critique, analytique et pédagogique chez Ambroise Kom neutralise le champ politique qu'il profane, re(s)titue à l'usage des hommes les thèmes et enjeux auxquels il leur était pratiquement interdits de rêver, dont ils étaient interdits de parler ou de penser. Cette interdiction de penser « autrement » enfante une confortable « misère intellectuelle » qui prospère et triomphe dans la censure, les intimidations policières, les incarcérations et l’arbitraire dont les intellectuels indociles et les citoyens font les frais. Le travail civique entrepris avec le Collectif Changer le Cameroun par des publications ayant offert des réflexions décisives à l’intelligence de la société camerounaise ainsi que son engagement pour la défense radicale des droits de la personne ont permis à Ambroise Kom, pendant ses années de service, à toujours interroger des sociétés africaines face aux défis de la modernité. On citera aussi l’engagement civique de Kom qui joue un rôle décisif dans la conception et la mise en chantier de l’Université des Montagnes (UDM), dont les comptes la fréquentation seraient désormais soldés. L’aventure de l’UDM active l’une des dimensions de cette pensée tournée vers le devenir des peuples africains, tout comme le passage de Kom à l’Université Mohammed V de Rabat illustrait déjà cette orientation panafricaniste de sa trajectoire.
Le présent colloque en hommage à Ambroise Kom est une invitation à réfléchir aux pistes d’une décolonisation des approches méthodologiques, condition sine qua non pour la restitution aux peuples africains de leur dignité, tournant nécessaire pour l’avènement d’un nouvel humanisme en Afrique. Nous nous proposons d’engager une réflexion inspirée de son travail, au moyen d’une focalisation sur ce qu’il convient de nommer une pensée intempestive qui recoupe les oscillations d’une réflexion qui, faisant l’éloge de la dissidence, en appelle au devoir d’indignation.
Sans s’y limiter, les propositions pourront porter sur les problématiques suivantes
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Esthétique et politique en postcolonie
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Migrations, globalisation et diasporas africaines
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Savoir, légitimation et théories endogènes
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Diasporas noires apatrides ?
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Imaginaires africains après Mongo Beti. Quels enjeux ?
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Imaginaires africains : pensée unique ou ordre pluridimensionnel ?
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Devoir de désobéissance et de dissidence : mode d’emploi.
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Éducation et devenir des sociétés africaines
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Ambroise Kom, Mongo Beti et les mythes du retour.
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L’intellectuel en situation de domination : de la colonie à la postcolonie
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Représentations de la marginalité
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Folies du pouvoir, pouvoirs de la folie
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Théorie et pratique de l’indignation
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Ambroise Kom, l’héritage d’Albert Dongmo et la question construction nationale
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Savoir et pouvoir. Intellectuels africains et le politique.
Le colloque aura lieu les du 11 au 13 juin 2024 à Yaoundé.
Toutes les propositions de communication en français ou en anglais (1 page maximum) doivent être envoyées avant le 30 octobre 2023 aux adresses suivantes, à l’intention des organisateurs du colloque :
Cilas Kemedjio, University of Rochester: cilaskemedjio@rochester.edu
Thomas Théophile NUG Bissohong, Université de Douala, nugthomastheophile@yahoo.fr Hervé Tchumkam, Southern Methodist University: htchumkam@mail.smu.edu
Les actes du colloque seront publiés dans une revue autorisée ainsi que dans un ouvrage collectif. Un prix sera attribué à la meilleure communication faite par un-e étudiant-e.
Frais de participation : $100 (universitaires hors Afrique) et 25.000 frs CFA (enseignants en Afrique)
Des détails pratiques suivront.